Le Ministre Jean-Marie Ogandaga affirme : "Les rémunérations n’avaient pas bougé au Gabon depuis 34 ans"

( Le Nouveau Gabon) - Le Gabon a mis en place depuis le 27 juillet 2015 un Nouveau système de rémunération (NSR) de l’agent public. Ce qui a entraîné le passage du Smig à 150 000 francs Cfa. Pour Jean-Marie Ogandaga, le ministre gabonais de la Fonction publique, de la Réforme administrative et de la Modernisation des cadres juridiques et institutionnels, récemment reconduit dans ses fonctions dans le nouveau gouvernement gabonais, certains agents publics qui percevaient 90 000 francs Cfa ont obtenu une augmentation de 60 000 francs Cfa. Le ministre explique les fondements et les avantages de cette réforme dans les salaires de tous les agents publics gabonais.

Le Nouveau Gabon : Depuis le 27 juillet 2015, les agents publics gabonais ont observé une augmentation de leurs salaires. Mais, avant cette augmentation, de nombreux syndicats rechignaient et demandaient une plus grande revalorisation salariale et augmentation du Smig à 300 000 francs Cfa, contrairement aux 150 000 francs proposés par l’Etat. Finalement, à travers cette réforme du système de rémunération, êtes-vous parvenus à satisfaire tout le monde ?

Jean-Marie Ogandaga : Vous savez, cher ami, le principe est connu. Plus tu en donnes, plus on en demande. Le plus important c’est que la parole du chef de l’Etat ait eu de l’effet. Il a dit qu’il veut que la rémunération des agents publics de l’Etat soit revue à la hausse. Ce qui a été fait. Maintenant, tout le monde aurait souhaité avoir le double ou le triple de ce qu’il a obtenu. Ce qui est réel, c’est que tout le monde a perçu une augmentation. Maintenant, le niveau d’augmentation n’est pas uniforme. Les salaires ne sont pas uniformes. Ils sont versés en fonction du niveau d’études, en fonction du secteur d’activité, en fonction du niveau de responsabilité et en fonction de plusieurs autres éléments à prendre en compte. Vous comprenez qu’un agent de la catégorie C ne reçoive pas la même augmentation qu’un agent de la catégorie B. Le plus important c’est que chacun a eu une augmentation. C’est ce qui est communément admis. Tous les agents de l’Etat ont perçu leur augmentation. Le niveau d’augmentation est discutable, mais ce qui est vrai c’est que les choses ont bougé.

LNG : Qu’est-ce qui a motivé la décision de cette augmentation salariale ?

JMO : La première origine c’est la promesse présidentielle. Le président avait dit : « Je ne serais heureux que lorsque les Gabonais seront heureux ». Il avait mis un principe très fort, celui du partage. Qui dit partage, dit que ceux qui ont plus doivent être en mesure de donner à ceux qui ont moins. Compte tenu du fait que c’est une promesse qu’il a faite, il voulait démontrer quelque chose : l’administration gabonaise ne pouvait pas arriver à un certain niveau de performance si le niveau de rémunération restait très bas. Les rémunérations n’avaient pas bougé depuis 34 ans. C’est une vérité. Il a voulu donner un coup d’accélérateur et un signal fort pour rendre l’administration publique performante. N’oubliez pas que le chef de l’Etat a d’abord demandé une administration performante, accueillante et qui soutient la marche vers l’émergence. Et pour avoir une administration publique qui soutient le Plan stratégique Gabon émergent, il fallait des personnes motivées. Et l’une des motivations, c’est l’augmentation du niveau salarial des agents de l’Etat. C’est pour cela qu’il avait d’abord dit « qu’en attendant le Nouveau système de rémunération (NSR) qui tarde à voir le jour, je mets en place une prime »… C’était aussi une façon pour le chef de l’Etat de booster le pouvoir d’achat des populations. N’oublions pas que l’on peut aussi relancer l’économie d’un pays en augmentant les salaires. Les économistes le savent, toute offre rencontre une demande. S’il y a des produits qui sont offerts sur le marché et que les agents de l’Etat n’aient pas le pouvoir de les acquérir, qui va donc relancer l’économie ? On peut relancer l’économie par la consommation. C’est entre autres ce qui a été fait.

LNG : Quelle est la masse salariale du Gabon après l’augmentation des salaires de juillet 2015 ?

JMO : Il faut toujours comparer deux périodes. La dernière masse salariale date du mois de juin 2015. C’est celle qui était avant la mise en place du NSR. Le NSR a été mis en place au mois de juillet 2015. En comparant les deux périodes, l’on constate qu’il y a une augmentation de la masse salariale de moins dix milliards de Francs Cfa. En réalité, si on arrondi, elle augmente de huit milliards de francs Cfa. Nous avions une masse salariale de 40 milliards de francs Cfa. Et nous passons à 48 milliards de francs Cfa. Cela fait au total une augmentation de moins de 20%. Et il faut également noter que l’on atteint ce pourcentage, parce que pendant les mois de juin et de juillet, nous avons régularisé plus de 10 000 situations administratives. Cela veut dire que pour l’agent qui percevait par exemple 100 000 francs Cfa au mois de juin, s’il passait au mois de juillet sans qu’il y ait application du NSR, il devait toujours avoir une augmentation du fait de la mise à jour de sa situation. Cette mise à jour des situations administratives a entrainé une augmentation de l’ordre de 1,2 milliard de francs. En défalquant cette augmentation de la revalorisation réelle du NSR, on se retrouve avec une augmentation de moins de sept milliards de francs Cfa. Cette augmentation a donc impacté les plus de 87 000 agents de l’Etat.

LNG : Vous évoquiez tout à l’heure les primes. Il y a peu, le Gabon a annoncé que la prime d’incitation à la performance (PIP) et celle relative à l’incitation à la fonction enseignante (PIF) seront supprimées pour être refondues dans le nouveau système de rémunération des agents de l’Etat qui est entré en vigueur en juillet 2015. Pourquoi cette PIP qui a remplacé « les fonds communs » a-t-elle été supprimée ?

JMO : Je vous expliquais que le chef de l’Etat en créant la PIP avait dit que c’était dans l’attente du Nouveau système de rémunération (NSR). Les deux ne pouvaient survivre ensemble. Il ne pouvait pas augmenter les salaires qui sont de l’ordre structurel et garder un élément occasionnel. C’est comme si vous dites à votre enfant qu’en attendant que je t’achète une voiture, voici un vélo que tu peux utiliser. Le jour où le véhicule arrive, le vélo n’a plus sa raison d’être. Mais, c’est différent de la PIR, la Prime d’incitation à la recherche et de la PIF, la Prime à d’incitation à la fonction enseignante. Les deux ont tout simplement été transformées. Pourquoi ? Parce que ces deux primes sont devenues des éléments salariaux à part entière. Les agents de l’Etat du supérieur aussi bien que du secondaire percevaient ces primes à une date autre que la date de perception des salaires. A présent, ils perçoivent cette prime au même moment que le salaire. Et ces primes sont devenues des éléments à part entière du salaire avec des effets fortement bénéfiques. Cela a contribué à stabiliser le niveau salarial de ces agents.

LNG : Ces primes qui font donc à présent partie du salaire entrent-elles dans la prise en compte des cotisations de la pension retraite comme indiqué au départ ?

JMO : Absolument ! D’abord, il faut noter que ces éléments vont maintenant directement aux ayants droit et vont contribuer à augmenter la quotité bancable de ces agents. C’est un atout. Vous vous imaginez un agent qui reçoit 600 000 francs Cfa comme salaire de base voit sa quotité bancaire s’améliorer fortement. Il peut ainsi accéder à un montant de crédit qu’il ne pouvait solliciter par le passé. Ensuite, l’autre avantage se situe au niveau de sa retraite future. Ce qui était accessoire et devenu principal rentre dans l’assiette de cotisation de ces agents. Cela veut par exemple dire que si j’avais 500 000 francs Cfa comme prime et que c’est devenu un élément de mon solde de base, cela améliore le solde de ma pension future. Au Gabon, la loi dit que les cotisations de la pension retraite sont assises sur la solde du salaire de base. En améliorant la solde de base par l’introduction des éléments autrefois perçu comme accessoire (indemnités et primes), ce qui fait en sorte que les cotisations deviennent beaucoup plus importantes. Cela amène à améliorer in fine la pension retraite de l’agent.

LNG : Quel est le salaire maximal et le salaire minimal en ce moment au Gabon ?

JMO : Le Nouveau système de rémunération (NSR) s’émancipe des éléments qui étaient parasites. Notamment, le Smig. Le Smig était un élément parasite qui impactait le calcul de la solde. Désormais, cet élément est expurgé du calcul de la solde. On se réfère simplement au Smig pour ne plus payer quelqu’un en deçà de cela. En 2010, le chef de l’Etat avait octroyé une augmentation de salaire qui n’avait pas été implémenté correctement. Il avait dit qu’aucun agent public au Gabon ne devait plus gagner moins de 150 000 francs Cfa. Avec le NSR, le Gabonais ne gagne plus moins de 150 000 francs Cfa. Cette augmentation du minima salarial a également permis de changer le maxima. Avant le maxima était à 500 000 francs Cfa. Aujourd’hui, le salaire maximal est à 1 140 000 francs Cfa.   Vous comprenez qu’il y a au Gabon une augmentation des salaires de plus de 300 000 francs Cfa pour les plus hauts salariés et de 60 000 francs Cfa pour les plus bas. Quelqu’un qui percevait 90 000 passe à 150 000 francs Cfa. Il a une augmentation nette de 60 000 francs Cfa sans toute autre forme de procès.

LNG : Comment expliquez-vous cette augmentation des salaires au moment où les prix du baril du pétrole sur le marché international chutent et quand on sait que les recettes principales du Gabon proviennent des recettes pétrolières ?

JMO : Cela s’explique simplement. Notre président a été visionnaire. Il a dit qu’il ne veut plus que l’Etat du Gabon dépende uniquement du pétrole. C’est pourquoi il a mis en place une politique de diversification de l’économie. Notamment dans l’activité minière et forestière. Et cette diversification porte ses fruits.

LNG : C’est récent cette diversification. Y a-t-il déjà des retombées financières conséquentes de cette diversification de l’économie gabonaise, dans le secteur forestier par exemple ?

JMO : Le chef de l’Etat gabonais a pris il y a déjà quatre ans une mesure qui a été décriée : l’arrêt de l’exportation des grumes. Cela avait un but simple : industrialiser le secteur bois au Gabon. Vous trouvez normal qu’un pays qui produit du bois passe le temps à acheter le même bois une fois qu’il sort de l’usine ? Aujourd’hui, même lorsque le bois sort du Gabon, il subit une première transformation. Désormais, ils doivent consommer du bois gabonais. Ils doivent consommer des portes gabonaises et des meubles gabonais. Cela apporte de la valeur ajoutée et plus d’argent dans les caisses de l’Etat. C’est ce qui peut nous permettre aujourd’hui de dire que le secteur hors pétrole se porte bien et ce secteur hors pétrole soutient la rémunération de l’agent de l’Etat…

Propos recueillis par Beaugas-Orain DJOYUM, à Libreville

Source: lenouveaugabon.com